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Article sur la grève du 22 juin

vendredi 29 juillet 2005

Le mercredi 22 Juin, Le « Rassemblement des ouvriers sans-papiers, gens d’ici, et leurs amis » de Toulouse a organisé une journée de grève du travail avec manifestation l’après-midi à la préfecture, des ouvrières et ouvriers sans-papiers de la région toulousaine pour une régularisation sur la base du travail.

Les mots d’ordre étaient :

  • le travail compte, l’ouvrier compte !
  • Abrogation de la loi Chevénement/Sarkozy !
  • Le travail doit ouvrir aux droits de suite, pas dans 10 ans !
  • Nous voulons les droits du travail, pas la charité.

A la fin de la manifestation, une délégation de 5 personnes a été reçue à la préfecture, où elle a remis au représentant du préfet une lettre destinée au Premier Ministre expliquant pourquoi régulariser sur la base du travail est une bonne chose pour tous les gens du pays. .
Le texte qui suit est un entretien entre militants du Rassemblement.

C’EST PLUS LE « CLANDO », C’EST PLUS LE « SANS-PAPIERS », C’EST L’OUVRIER

Brigitte : Le 22 Juin 2005, Le « Rassemblement des ouvriers sans-papiers, gens d’ici, et leurs amis »a organisé une journée de grève du travail des ouvrières et ouvriers sans-papiers de la région toulousaine. Tout d’abord pourquoi une telle initiative maintenant ?

Tahar : Il s’agissait de montrer à tout le monde qu’on est des ouvriers, pas des criminels.
Fellag : On répond aux déclarations de Sarkozy qui dit que les sans-papiers sont une charge pour le pays, et qu’on ne peut pas régulariser.

Nous, on a montré qu’on est là, on travaille, on se loge. On fait déjà partie du pays, on ne demande pas la charité. Il ne manque rien pour régulariser sur la base du travail.

Zoubida A : C’était important dans cette période, c’était comme une conclusion ; il fallait que les ouvriers s’affirment, se montrent comme ils sont : des ouvriers du pays, et pas des mendiants, comme le collectif « Espoir » cherche à donner l’image.
C’était une grève symbolique, mais très importante. C’est un jour qui a marqué l’esprit des gens.

Mohammed : Il faut la régularisation sur la base du travail, comme en Espagne. Ce que l’Espagne fait, la France peut le faire.

Jean-Louis : Dans la longue bataille qu’on mène depuis 96/97 , c’est une étape importante pour ici, régionalement (Il y avait des amis de Montauban). On est déjà passé de « clandestin » à « sans-papiers ». Cette grève, elle marque le passage à « ouvriers sans droits ».
Les sans-papiers sont apparus comme des ouvriers du pays actuel, parce qu’ils se sont emparés d’une pratique ouvrière traditionnelle en France : la grève.
Et ça a été compris comme tel ; la preuve, c’est très rare que la presse couvre autant une apparition de notre collectif.

Marcel : C’est le résultat d’une maturation, qui a été accélérée par la conjoncture en Espagne, qui a rendu notre idée plus crédible et par le renouveau d’une volonté politique qui veut nier la réalité ouvrière des sans-papiers, comme Sarkozy ou le collectif « Espoir ».

Zoubida B : On peut dire que cette grève marque pour nous une nouvelle naissance ; c’est plus le « clando », c’est plus le « sans-papiers », c’est l’ouvrier

Brigitte : Vous venez d’expliquer la nature ouvrière de cette grève. Mais vous insistez également dans vos appels sur son aspect politique. Pourquoi ?

Zoubida A : On est contre le gouvernement, c’est pour ça que c’est politique. Le gouvernement montre qu’il est contre les gens, nous, nous faisons de la politique d’une autre manière, nous nous battons pour les droits, pour tous, nous voulons un pays vraiment démocratique.

Mohamed : Lorsque l’état s’en prend aux sans-papiers, il est politique, mais nous on est loin de cette politique, nous on cherche les droits, on ne cherche pas le pouvoir.

Zoubida B : Notre grève avait 2 aspects : un aspect ouvrier : (on montre l’existence des gens qui travaillent , qui construisent , qui participent dans le développement du pays) et un aspect politique, contre la loi. Pour avoir les droits, il faut changer la loi.

Jean-Louis : C’est aussi politique parce qu’on travaille à montrer en positif quelle est notre idée de la place de l’ouvrier, de la place de chacun dans le pays.
Notre politique, ce n’est pas de chercher les élections, c’est de chercher un chemin pour que les gens soient égaux et libres.

Marcel : On a cherché à montrer que la loi est le produit, le reflet d’une politique, On ne peut s’y opposer qu’en proposant une autre politique : une idée de la démocratie fondée sur qui travail doit avoir les droits de suite, chacun compte pour un.

Fellag : Il y a une politique qui dit : « Pour régulariser les gens, il faut attendre 10 ans » et une autre qui dit : « Il faut régulariser les gens sur la base du travail. » C’est ou l’une ou l’autre.

Zoubida A : La loi doit être conforme à la réalité du pays, elle doit prendre en compte les gens qui y vivent. On se bat contre une politique idéologiste.

Brigitte : La Dépêche titrait : « Une première en France, les ouvriers sans-papiers font grève ». Est-ce que cela change quelque chose pour vous ?

Zoubida B : Oui, c’est une première. Il y a quand même pas mal de gens qui ont cru à cette idée, et ont participé, qu ont eu le courage de le faire Il y avait des ouvriers, et aussi des ouvrières comme Zoubida et moi. On a mis notre idée en pratique
Dans la délégation à la préfecture aussi, il y avait 2 ouvrières et deux ouvriers sans-papiers, et ça c’est pas rien.

Zoubida A : C’est une grande réussite, Ce n’était pas facile, une grève, un jour de semaine et ça a marqué les gens . Ca prouve qu’il y a eu un long travail auparavant, un acharnement des gens. Ca prouve notre solidité et notre ténacité.

Fellag : Je rajoute qu’on a marqué un point aussi par rapport à l’état, parce que même ceux qui nous ont reçus à la préfecture ont reconnu que les gens travaillent, que c’est normal, même si la loi l’interdit . C’est la première fois, et c’est important, parce que ça prouve qu’ils voient la contradiction.

Tahar. Notre travail se voit, mais nous on ne nous voit pas ! Eh bien ce jour-là, pour la première fois, on a laissé un vide sur le chantier, et tout le monde sait que les sans-papiers sont des ouvriers.
C’est une réussite importante pour nous et nos amis, partout en France. On va poursuivre, peut-être recommencer.

Zoubida A : C’est une première. Au niveau national, ça pourrait en inciter d’autres à le faire. Ce qui compte, ce n’est pas d’être beaucoup, même s’il faut un nombre minimum pour que ce soit significatif, mais de le faire.

Mohammed : On a montré que c’est possible, Maintenant, Il faut que tous les sans-papiers en France fassent comme nous, qu’ils ne restent pas à dormir dans un coin. Il faudrait pouvoir lancer par exemple une journée nationale de grève.

Jean-Louis : Il y a déjà eu une grève des ouvriers sans-papiers à Grasse en 1975. Les ouvriers de Grasse, surtout des Tunisiens du bâtiment et des parfumeries s’étaient révoltés contre la circulaire Fontanet, qui les empêchait d’avoir les papiers. Ils voulaient la carte de travail. Ils ont bloqué la ville. La police a réprimé très violemment.
Il y a une différence importante avec notre grève du 22 juin : on n’a pas agi sur un coup de colère, c’est le fruit d’un long travail, constitué dans la durée, réfléchi, une étape, pas un aboutissement.

Marcel : C’était une révolte, dans la logique du mouvement. C’était gagner ou perdre de suite. Après, il n’y a plus rien eu. Nous on sait qu’on n’a pas fait grève pour gagner de suite.

Zoubida B : Cette grève, c’est une porte de plus qu’on a ouverte, et je pense que ça va donner confiance à d’autres gens. Beaucoup se sous-estiment et on leur a montré que c’était possible. Avant, des gens me disaient : « Qui je suis moi pour faire une grève ? J’ai pas de droits, je suis rien. »

Brigitte : Comment voyez-vous la suite ?

Zoubida B : On a donné naissance à cette idée qu’on est des ouvriers du pays, il faut développer cette image, travailler dessus. Notre travail continue, tant qu’on n’a pas de droit, on ne s’arrête pas. On fera d’autres manifs, d’autres rassemblements, on continuera à dire haut et fort qu’on est des ouvriers du pays.

Tahar. On va continuer parce c’est pas la honte pour nous, c’est la honte pour le gouvernement.
Pour la régularisation, on sait bien qu’on n’aura pas le résultat de suite, mais j’ai déjà vu un premier résultat : les contrôles sur les chantiers sont arrêtés pour l’instant.

Zoubida A : Il n’y a pas que les papiers, gagner la liberté, le travail, c’est beaucoup

Fellag : On continue à travailler pour amener les gens à la bataille.

Jean –louis : On a gagné sur la ville l’aspect d’une nouvelle figure ouvrière. Mais cette figure est forcément en lien avec la question du pays qui se pose au delà des papiers . On l’ a vu par exemple avec le débat sur la constitution européenne, l’école, etc.. Je pense qu’avec ce pas franchi, il va falloir réfléchir le lien entre l’ouvrier sans droit et la question plus large du pays qui se met en place.
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