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Lettre Ouverte au Maire de Toulouse
A propos de l’envoi de la police sur les marchés populaires, à la demande de la Mairie
dimanche 13 juin 2010
Les Collectifs pour une politique de paix et d’amitié entre les habitants du pays
Toulouse, le 12 Juin 2010
A l’attention de M. Pierre COHEN
Maire de Toulouse
Place du Capitole, Toulouse
Monsieur le Maire,
Nous venons vers vous suite aux incidents répétés qui ont lieu depuis une semaine sur deux marchés importants de la ville de Toulouse, tous deux situés dans des quartiers populaires du Mirail, l’un à La Faourette, l’autre à Reynerie.
Tout d’abord, nous tenons à vous faire part de notre étonnement à propos du traitement que vous avez décidé d’apporter à un problème, somme toute mineur, et qui pouvait trouver une résolution plus sereine et plus respectueuse de la vie et du travail des gens concernés.
En effet, déployer dés le petit matin une grande partie de la Police Municipale, appuyée par un demi compagnie de CRS, ayant tous pour mission d’encercler et de filtrer les accès de ces quartiers, pour empêcher à quelques vendeurs des marchés en plein vent de s’installer, tout cela nous semble disproportionné.
Nous sommes donc en droit de nous demander, avec de nombreux habitants, quels sont les buts recherchés par votre équipe municipale dans cette affaire.
Pour notre part, nous tenons à vous faire connaître notre point de vue, point de vue que nous ferons aussi connaître à la population et à la presse, par le biais d’une lettre ouverte.
1) L’extension des marchés dans de nombreux quartiers correspond à un réel besoin, qui est double : celui de gens qui travaillent honnêtement en proposant à de nombreux habitants des produits qui leurs conviennent, à des prix bas et abordables. Pour une population qui petit à petit connaît les difficultés de la misère et de la pauvreté, cela correspond à un véritable besoin. Misère et pauvreté, dont, vous en conviendrez, ils ne sont nullement responsables.
Cette extension des marchés de plein vent, en dernier ressort, s’inscrit dans le classique développement économique, qui par ailleurs est vanté partout pour ses mérites, et qui correspond à "l’offre et la demande".
2) On ne règle pas les effets de la misère par les CRS !
Ce n’est pas parce que des gens sont pauvres qu’ils sont des délinquants. Bien au contraire, les gens contre lesquels vous déployez la police sont précisément des gens qui tentent de survivre en travaillant honnêtement. Ce n’est pas parce que le gouvernement actuel explique que tout se règle par la police que vous êtes obligé de le croire et de le suivre. La misère ne se règle ni par la violence, ni par la force. Les gens, quelle que soit leur situation, doivent être pris en considération et au sérieux. C’est le début du respect.
3) De nombreuses personnes sur les marchés (vendeurs et acheteurs) nous ont dit qu’ils voulaient vivre et faire vivre leur famille honnêtement, et que les marchés, entre autre, le leur permettent (savez-vous combien de gens vendent leurs propres habits et affaires pour survivre, et combien de gens habillent leurs enfants ainsi ?)
D’ailleurs, beaucoup de vendeurs, qui par ailleurs pour beaucoup paient leur patente, disent : "On veut travailler, le rôle de la mairie n’est pas d’empêcher les gens de gagner honnêtement leur vie".
4) La façon que vous avez choisie pour traiter le problème, c’est-à-dire le bouclage du quartier par un dispositif policier massif, et militarisé, n’est pas sans conséquence sur l’image des habitants de ces quartiers, traités en danger public ! Est-ce bien le rôle de la mairie de stigmatiser les habitants des quartiers populaires, de les traiter en ennemis, de contribuer à l’amalgame : "pauvre égale délinquant" ?
Pour notre part, nous affirmons que la ville de Toulouse, comme le pays dans son entier, doit être pour tous ; cela veut dire qu’il faut considérer que chaque habitant compte et mérite le respect. Si des difficultés apparaissent, comme celle de l’extension des marchés, nous sommes persuadés qu’elles peuvent être résolues, non par la tension et la répression policières et la division des gens, mais en prenant vraiment en compte ce qui arrive aux gens, quelle que soit leur situation sociale.
Monsieur le Maire, nous espérons vraiment que votre politique actuelle sur l’extension des marchés correspond à une méconnaissance de vos services de ce qu’est la vie des gens aujourd’hui, et non à une politique généralisée contre les habitants qui fréquentent les marchés des quartiers populaires. Nous voulons croire que vous n’êtes pas de ceux qui pensent que pour régler la question de la misère, il suffirait de la cacher (y compris par la force au besoin) et que telle n’est pas l’option qui sous-tend votre actuel programme de rénovation urbaine des quartiers populaires.
Nous sommes disponibles pour discuter de ces points avec vous.
Veuillez agréer, Monsieur le Maire, nos sincères salutations.
PS : Ce courrier est envoyé en copie à M. le Préfet de la Haute-Garonne, à la presse, il est aussi diffusé sous-forme de lettre ouverte.